En France, quelques évêques ont proposé au pape une reformulation des paragraphes du Catéchisme de l’Église catholique concernant l’homosexualité. Par ailleurs, à la demande de la Conférence des évêques de France, des théologiens travaillent à rendre plus audible le message de l’institution sur le sujet.
La rencontre n’avait rien d’anodin. Mardi 28 février, Mgr Hervé Giraud a reçu dans son archevêché de Sens-Auxerre des membres de l’association Reconnaissance, qui rassemble des parents de personnes homosexuelles et se bat pour une meilleure prise en compte de leur dignité au sein de l’Église. L’archevêque a salué leur engagement. Depuis quelques années, l’action des associations, la multiplication des pastorales des personnes homosexuelles dans les diocèses, ainsi que la levée du tabou dans la société poussent certains dans l’Église à réfléchir sur l’homosexualité.
Au-delà de la dimension pastorale, quelques évêques travaillent même discrètement à retravailler la doctrine. Celle-ci se cristallise dans quatre paragraphes du Catéchisme – 2357, 2358, 2359 et 2396 – qui concentrent les critiques des associations de défense des personnes homosexuelles dans l’Église. La formule du paragraphe 2357 surtout, qui qualifie « les actes d’homosexualité » d’« intrinsèquement désordonnés », est particulièrement décriée.
« La question de l’homosexualité engage plus qu’elle-même »
L’archevêque de Sens-Auxerre confie ainsi que, lors de la visite ad limina, à Rome, de septembre 2021, une question a été posée sur la rédaction de ces articles devant le cardinal Luis Ladaria, président du dicastère pour la doctrine de la foi – instance gardienne du dogme – puis devant le pape François. Celui-ci a alors invité à lui proposer une nouvelle formulation de ces paragraphes. Plusieurs évêques se sont, depuis, attelés à la tâche, et ont envoyé à François une réécriture. « Ces propositions doivent évidemment être examinées par le dicastère compétent et soumises au discernement du pape », précise Mgr Giraud.
Si une telle initiative est révélatrice des mouvements internes à l’Église de France, il paraît peu probable qu’elle aboutisse à faire évoluer la doctrine. « Je ne vois pas comment un changement de fond pourrait intervenir, confie une source vaticane, car la question de l’homosexualité engage en réalité plus qu’elle-même : l’anthropologie et la morale sexuelle de l’Église ».
Sans toucher au catéchisme, l’idée qu’il faut rendre plus audible la manière dont l’Église évoque le sujet de l’homosexualité fait son chemin. À la demande du Service national Famille et société de la Conférence des évêques de France, trois théologiens travaillent à réactualiser les textes disponibles sur le site de la CEF abordant le sujet. Ils ont ainsi listé une vingtaine de questions couramment posées, et élaborent des réponses visant à expliciter le message de l’Église de manière adaptée au contexte actuel.
Le projet partait du constat que certains contenus étaient désormais inadaptés. « La conférence épiscopale s’est rendu compte que ce qui était disponible sur son site n’était pas de première fraîcheur, et qu’il fallait réécrire tout cela de manière appropriée aux questionnements des gens d’aujourd’hui », explique Dominique Foyer, professeur émérite à la faculté de théologie de l’Université catholique de Lille et participant au projet, qui insiste : « Il ne nous a pas été demandé de renouveler la pensée de l’Église. »
Tenir compte des questionnements d’aujourd’hui
Parmi les questions traitées par les théologiens figure celle de la signification de « la loi naturelle ». « Peut-on invoquer la loi naturelle pour condamner l’homosexualité ? », se sont notamment demandé ces spécialistes, qui ont par ailleurs abordé le sujet de l’interprétation des textes bibliques, ou de l’attitude à avoir vis-à-vis des personnes homosexuelles. « Notre but était d’écrire un texte que les évêques pourraient être susceptibles d’approuver, résume le père Foyer. Il fallait qu’il soit acceptable sur le plan théologique et pastoral, tout en tenant compte des attentes des hommes et des femmes d’aujourd’hui ».
La nouveauté résiderait donc davantage dans la méthode employée que dans le fond du message. Les théologiens ont ainsi associé à la rédaction des personnes homosexuelles et des associations portant le sujet de l’homosexualité dans l’Église – dont l’association Reconnaissance – en intégrant leurs retours. Une fois cette étape passée, les rédacteurs feront remonter leur travail au Service national famille et société. À ce stade, l’échéance du processus n’est pas encore connue.
Ces mouvements internes à l’Église sont très scrutés par les associations de défense des personnes homosexuelles. « J’ai la conviction que la voix des évêques se libère un peu, alors qu’elle était très cadenassée », confie Jean-Michel Dunand, fondateur de la communion Béthanie, une « fraternité de prière au service des personnes homosensibles et transgenres ». Lui attend toujours que « le discours change » : « Autrement, on aura beau avancer au niveau pastoral, il y aura toujours cette tension mortifère. »