« Comment faire changer le Catéchisme de l’Église Catholique ? » La question émane d’un public essentiellement composé de parents d’enfants homosexuels, à la fin d’une table ronde sur l’homosexualité dans l’Église. Elle vise le paragraphe 2 357 du Catéchisme de l’Église catholique qui qualifie les « actes d’homosexualité » d’«intrinsèquement désordonnés »
Samedi 19 novembre, 200 personnes, dont une quinzaine de religieux, ont participé à la Maison des familles de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) au troisième colloque de Reconnaissance, association créée en 2021 par des parents d’enfants homosexuels engagés dans l’Église. Elle vise à interpeller l’institution sur la reconnaissance de la « dignité des personnes homosexuelles » en son sein et elle a entamé un dialogue suivi avec la Conférence des Évêques de France (CEF). Témoignant d’une évolution personnelle sur la question de l’homosexualité, ces parents veulent faire bouger l’Église.
« L’Église est souvent dans le rejet »
L’association avait adressé en mars 2021 une longue lettre aux évêques, signée par 500 personnes. Depuis, un dialogue régulier s’est instauré avec le Service national famille et société de la CEF. Selon l’association, trois théologiens missionnés par la CEF travailleraient actuellement sur la question de l’homosexualité, éclairés par les sciences humaines et les expériences de personnes homosexuelles, en vue de produire un texte qui serait « quasi finalisé ».« Nous constatons une volonté de la CEF d’avancer sur ce sujet », témoigne Florence, membre fondatrice.
« En tant que parents engagés dans l’Église, nous sommes un pont avec l’institution, estime Nathalie de Williencourt, également membre fondatrice. Concrètement, l’Église est souvent dans le rejet : il y a encore une peur des personnes homos, certainement liée à une méconnaissance. Elle dit qu’elle accueille les personnes homosexuelles, renchérit Florence, mais à condition que ces dernières n’en parlent pas, n’aient pas de relation amoureuses… Est-ce un véritable accueil? » « Ce que l’Église a à accueillir, c’est leur homosexualité, martèle Nathalie de Williencourt. D’où la nécessité de « libérer la parole » et d’être « visible ».
« Ils pensaient avoir été les pires parents du monde »
Ce travail de reconnaissance progressive a été mené par les parents eux-mêmes. Lorsque le groupe de parole a été créé en 2014, Yolande du Fayet de la Tour, thérapeute, a vu arriver des parents, qui « avaient le sentiment de ne pas pouvoir vivre à la fois l’homosexualité de leurs enfants et leur appartenance à l’Eglise ». « Soucieux du regard social, ils prenaient sur eux la honte de leurs enfants », rapporte-t-elle.
Plus tard, des parents qui avaient manifesté avec La Manif pour tous ont rejoint le groupe de parole : Ils pensaient avoir été les pires parents du monde, parce qu’ils avaient blessé leurs enfants. » Le coming out de ces derniers « a percuté leurs croyances religieuses » : « Le groupe murit alors la nécessité de reconstruire le discours de l’Église sur l’homosexualité ».
Davantage d’optimisme qu’il y a dix ans
Lorsque Irène et François (1), 68 et 72 ans, ont appris que leur fils était homosexuel, ils ont compris « qu’il avait beaucoup souffert ». » Il craignait qu’on le rejette à cause de votre milieu social et de notre appartenance à l’Église » regrette Irène. En 2013, le couple avait manifesté contre le « mariage pour tous ». Pour eux, paradoxalement, le mouvement a été une occasion d’ouverture : « Nous avons compris que l’homosexualité n’était pas choisie. » Depuis, ils ont appris à en parler. « Nous sommes conscients que si ça ne nous était pas arrivé, nous serions un peu homophobes : nous avions des idées fausse, des caricatures dans la tête. » Le couple a, depuis, entendu des discours choquants dans l’Église, et souhaiterait qu’elle change sa doctrine. « Mais c’est aussi dans l’Église que nous avons pu trouver du soutien dans ces groupes de parole » , fait remarquer Irène.
Le journaliste Philippe Clanché, auteur de Mariage pour tous. Divorce chez les cathos (Plon, 2013), note, dans les milieux d’Église qui portent le sujet de l’homosexualité, davantage d’optimisme qu’il y a dix ans, grâce au pape François et au fait que « de nombreux diocèses se sont doté de dispositifs d’accueil. » Pour lui, toute la question sera de savoir « comment gérer le fossé entre une pastorale qui couvre des plus en plus et une doctrine que ne bouge pas.
« Sans condamner l’homosexualité, on la cache » Olivier, intervenant en éducation affective, relationnelle et sexuelle.
« J’interviens en milieu scolaire sur l’éducation affective, relationnelle et sexuelle, avec une association d’inspiration chrétienne. J’ai pris conscience que je ne parlais aux jeunes que du schéma hétérosexuel. Si un adolescent me pose une question sur l’homosexualité, je lui dis que je ne condamne pas, que tout amour a sa valeur. Mais je suis démuni pour parler d’homosexualité. Donc sans le vouloir, sans condamner l’homosexualité, on la cache. On la relègue dans un placard. Moi-même, j’ai beaucoup évolué sur ces questions, notamment grâce à mes enfants, qui me disent : » L’homosexualité? Et alors? »