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« L’homosexualité de notre fille est un véritable cadeau »

Le Progrès, publié le 25/06/2025

Interview de Bernard et Régine Loubier - Parents ou proches

     LE CHAMBON-SUR-LIGNON

« L’homosexualité de notre fille est un véritable cadeau »

De notre correspondante Anne Victor

Ce qui compte surtout pour Bernard et Régine, c’est le bonheur d’Isabelle et Maud. Photo Anne Victor


Chrétiens et parents d’un enfant homosexuel, Régine et Bernard témoignent. « Nous sommes devenus des porte-drapeaux pour que notre société change, pour que notre Église ouvre les yeux et regarde notre monde avec un regard bienveillant. Un regard d’amour. »

Mariés depuis bientôt quarante-sept ans, Régine et Bernard Loubier sont parents de quatre enfants, deux filles et deux garçons, et grands-parents de sept petits-enfants. Depuis leur union, ils sont engagés dans leur paroisse et dans des mouvements spirituels. Il y a un peu plus de huit ans, ils ont appris l’homosexualité de leur dernière fille Isabelle (prénom d’emprunt). Elle avait alors 23 ans. « Elle n’allait pas bien, elle vivait une période difficile. Elle était étudiante en maîtrise et elle avait interrompu ses études. Bien sûr, cette annonce a été un bouleversement pour nous », explique Bernard.

« On n’a pas réagi de la même manière. Moi, je pouvais enfin comprendre pourquoi elle n’allait pas bien. J’avais parfois pensé à cela lorsqu’elle me semblait triste. L’important était qu’elle aille mieux », poursuit Régine.

Dans un premier temps, son papa pensait à une passade. « Au départ, il y a eu la culpabilité. Et puis, je me suis imaginé que son homosexualité n’était pas définitive, qu’elle pouvait évoluer. J’ai ensuite compris qu’elle n’émanait pas d’une volonté, qu’elle n’était pas choisie, qu’elle s’imposait à la personne. Je ne connaissais pas grand-chose sur le sujet. J’ai approfondi mes connaissances par diverses lectures et témoignages. »

Le couple a rapidement dépassé ses dissensions, unis dans son amour pour Isabelle. Quelques semaines plus tard, Régine et Bernard ont fait la connaissance de Maud (prénom d’emprunt) qu’ils ont accueillie immédiatement. Isabelle a retrouvé le sourire, elle a réussi ses concours.

Cela reste tabou

« On aurait pu en rester là, mais nous sentions que nous avions encore des limites pour aller plus loin et aussi pour mieux comprendre notre fille, explique Régine. L’homosexualité reste un tabou. Comment le dire aux proches ? Comment anticiper la suite ? Autant de questions qu’il nous fallait éclairer. »

Quelques mois plus tard, ils ont rejoint un groupe de parole initié par leur diocèse. « Nous ne pouvions pas porter seuls nos questionnements et ce qui nous irritait dans la position de l’Église. Nous avons cheminé avec deux autres familles dans ce groupe pendant six ans. Nous avons pu partager, déposer, pleurer parfois mais repartir avec confiance et espérance. C’est là aussi que nous avons encore plus pris conscience des blocages dans l’Église, son indifférence par rapport à notre groupe, la gêne de la part des prêtres et dans les mouvements spirituels. »

Et puis, ce fut le temps d’encaisser

Régine et Bernard ont encaissé les remarques et les regards déplacés lorsqu’ils parlaient de leur fille et de sa compagne. Certaines paroles venant même de leur propre famille et des lieux de partage spirituel. Même si l’Église évolue, elle parle toujours de comportements intrinsèquement désordonnés. « Ça me fait bondir. Sur le diocèse du Puy-en-Velay, les choses sont plutôt compliquées », lâche Bernard.

L’envie de témoigner, d’ouvrir des portes et de partager

Isabelle et Maud se sont mariées. Régine et Bernard veulent partager leur expérience et leur bonheur de voir leur fille heureuse dans sa vie de couple. Le 13 juin, ils étaient à la paroisse de Bron (Rhône) pour témoigner en tant que représentants de l’ association Reconnaissance (lire par ailleurs). « Nous pouvons dire aujourd’hui que l’homosexualité de notre fille est un véritable cadeau pour nous et que nous voulons en témoigner. Cela nous a ouvert les yeux. Trop de parents, particulièrement dans les milieux chrétiens, souffrent encore, n’osent pas en parler et ont juste besoin d’une oreille et d’une main tendue », ont pu entendre les paroissiens.

Le chemin des parents ne se fait pas forcément à la même vitesse que celui des enfants. Il peut être plus long et différent pour la mère et le père. « On parle de coming out pour les jeunes, mais il faut aussi parler de celui des parents, précise Régine. Aujourd’hui, nous assumons entièrement. Nous ne nous cachons pas et nous irons jusqu’au bout de notre démarche. Nous sommes devenus des porte-drapeaux pour que notre société change, pour que notre Église ouvre les yeux et regarde notre monde avec un regard bienveillant. Un regard d’amour », conclut le couple.

 

Reconnaissance, une association qui dialogue et réfléchit avec l’Église

Régine et Bernard ont rejoint l’association Reconnaissance. Il s’agit d’une association fondée par des chrétiens engagés dans l’Église catholique et ses mouvements qui milite pour accompagner les familles lorsqu’elles apprennent l’homosexualité de leurs enfants, pour faire connaître la réalité de l’homosexualité, pour dialoguer et réfléchir avec l’Église.

Les évêques interpellés
En 2021 l’association a lancé un appel à tous les évêques de France pour les interpeller sur la prise en compte de la dignité de leurs enfants par la doctrine de l’Église catholique.

Reconnaissance organise des groupes de parole de parents et proches de personnes homosexuelles, diffuse des fiches pratiques et livre de nombreux témoignages sur son site www.reconnaissance.life.

Un petit guide à l’attention des parents qui viennent d’apprendre l’homosexualité de leur enfant est également disponible. Il liste, entre autres, les réactions à privilégier, les paroles et préjugés à éviter et des suggestions pour dialoguer avec son enfant. « Reconnaissance reste ouvert, bien sûr et c’est important de le signaler aux personnes non chrétiennes », précisent les responsables.

Bernard et Régine sont les contacts sur la Loire et la Haute-Loire de l’association.

06.70.21.74.64 ou 06.31.81.43.41 – regineloubier@icloud.com