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Synode : la réponse du pape aux « dubia » : décryptage

2 octobre 2023

Le Pape François pose les bases théologiques et magistérielles du traitement des questions LBBT dans l’Église

5 cardinaux ont pris la plume pour exprimer leurs doutes (Dubia) sur le principe même du Synode en recensant 5 sujets particuliers qui leur semblent critiquables. Parmi ceux-ci, sans surprise, on retrouve l’immuabilité du Magistère et la question homosexuelle. Le Pape a pris le temps de leur répondre, ce qu’il ne fait pas toujours. Il reprend les textes et la tradition de l’Église catholique et montre les possibilités offertes par ceux-ci de questionner, d’évoluer, de faire appel à la conscience de chacun.

Il ouvre ainsi des avancées théologiques et pastorales significatives sur le traitement de la question homosexuelle (et LGBT par conséquent) au sein de l’Église :

La rédaction des Dubia sur l’immuabilité du Magistère et la doctrine concernant les personnes LGBT reprend des arguments qui nous sont fréquemment opposés. D’où l’importance des réponses du Pape : elles sont claires et se fondent soit sur des citations de Vatican II, soit sur la pensée de docteurs de l’Église comme saint Thomas d’Aquin, soit sur des textes de ses prédécesseurs, montrant ainsi entre les lignes qu’à l’inverse de ce qui lui est reproché, il s’inscrit dans la tradition catholique.

L’étude historico-critique de la Bible est légitime, le Magistère n’est pas supérieur à la Parole de Dieu

Le premier des Dubia porte sur l’immuabilité de la Parole divine et la constance du Magistère dans la condamnation de l’homosexualité. 

S’agissant de la Parole, le Pape pose comme principe la légitimité reconnue par Vatican II d’un travail d’approfondissement par les exégètes : si la Révélation divine est immuable, la compréhension que nous en avons n’est pas définitive. Or, sur les sujets LGBT, on constate que les exégètes actuels interprètent les textes en les replaçant dans un contexte historico-critique. François appelle à un discernement entre ce qui, dans la Bible, correspond à un conditionnement culturel, et ce qui correspond à la Révélation divine. Il invite également les théologiens à les approfondir pour en chercher le sens dans le cadre de travaux de théologie morale.

Pour nous ces points sont fondamentaux car la vision de l’homosexualité aujourd’hui, avec l’apport des sciences humaines et de certains théologiens comme Xavier Thévenot, ne peut être une vision fondée sur des prérequis caducs.

Enfin dans les paragraphes sur le Magistère, le Pape indique que celui-ci n’est pas supérieur à la Parole de Dieu.

Une seule vérité est immuable : celle qui est essentielle pour le Salut de tous 

Le Concile a établi que seul est immuable « ce qui est essentiel pour le Salut de tous », nous rappelle le Pape. Les autres vérités sont des vérités secondaires, selon la doctrine de Saint Thomas d’Aquin qui aboutit à la notion de hiérarchie des vérités énoncée par Vatican II. Nous saluons ce passage : nous, catholiques attachés à l’Église dans laquelle nous avons fait baptiser nos enfants, nous ne détruisons pas les fondements de la Foi ni de l’Église en appelant à reconnaître la dignité des personnes homosexuelles et la possibilité pour elles d’une vie affective.

Bénédiction des couples homosexuels : pas de liturgie normée mais un appel au discernement individuel 

Le deuxième des Dubia porte sur la bénédiction des couples homosexuels. Le Pape rappelle que le sacrement du mariage chrétien, indissoluble, concerne exclusivement un homme et une femme ouverts à la procréation. Quant à la bénédiction, qu’en dit-il ? Qu’elle est un appel à Dieu afin qu’il nous aide à mieux vivre. Il renvoie alors les pasteurs à leur discernement individuel : que cherchent ceux qui demandent cette bénédiction ? Il ne ferme pas la porte mais refuse une norme qui s’appliquerait à l’Église universelle, ce que nous comprenons eu égard à la variété des approches par continent et par pays. Il refuse également que les conférences épiscopales prennent l’initiative de proposer des liturgies spécifiques sur leurs territoires. 

Le portail principal est donc fermé mais deux petites portes restent ouvertes : la légitimité du discernement individuel des clercs – et des laïcs – et le fait que « le droit canonique ne puisse tout couvrir », offrant un réel cadre de liberté dans ce discernement. 

Beaucoup se saisissent déjà de cette liberté, nous espérons qu’ils sortiront renforcés par la lecture du texte de François.

ANNEXE : EXTRAITS DES RÉPONSES DU PAPE AUX DUBIA 1 ET 2

EXTRAITS DE LA RÉPONSE AU N°1

« Le Concile Vatican II a affirmé qu’il est nécessaire que, par le travail des exégètes – et j’ajouterais, des théologiens – « le jugement de l’Église mûrisse » (…) Par conséquent, s’il est vrai que la Révélation divine est immuable et toujours contraignante, l’Église doit être humble et reconnaître qu’elle n’épuise jamais son insondable richesse et qu’elle a besoin de grandir dans sa compréhension. Par conséquent, elle grandit aussi dans sa compréhension de ce qu’elle a elle-même affirmé dans son Magistère. (…) Il est inévitable que cela puisse conduire à une meilleure expression de certaines affirmations passées (…), et cela s’est effectivement produit au cours de l’histoire. (…)». 

« D’autre part, il est vrai que le Magistère n’est pas supérieur à la Parole de Dieu, mais il est également vrai que tant les textes de l’Écriture que les témoignages de la Tradition ont besoin d’une interprétation qui permette de distinguer leur substance pérenne du conditionnement culturel. » (Ici le Pape cite l’esclavage). « Ces textes doivent être interprétés. Il en va de même pour certaines considérations du Nouveau Testament sur les femmes (…)  et d’autres textes de l’Écriture et témoignages de la Tradition qui ne peuvent être répétés tels quels aujourd’hui. (…) Il est important de souligner que ce qui ne peut pas changer, c’est ce qui a été révélé « pour le salut de tous » (Vatican II). (…) L’Église doit constamment discerner ce qui est essentiel pour le salut et ce qui est secondaire ou moins directement lié à ce but. Je souhaite rappeler ce qu’affirmait saint Thomas d’Aquin : « plus on descend dans les détails, plus l’indétermination augmente » (Summa Theologiae 1-1 1, q. 94, art. 4). » 

EXTRAITS DE LA RÉPONSE AU N°2

Le Pape rappelle fermement que le sacrement du mariage est réservé à un homme et une femme, ouverts à la procréation, liés de façon indissoluble. Il enchaîne aussitôt : 

« Cependant, dans nos relations avec les personnes, nous ne devons pas perdre la charité pastorale, qui doit imprégner toutes nos décisions et attitudes. » (…). Nous ne pouvons donc pas être des juges qui ne font que nier, rejeter, exclure (…). »

« La prudence pastorale doit donc discerner correctement s’il existe des formes de bénédiction, demandées par une ou plusieurs personnes, qui ne véhiculent pas une conception erronée du mariage. En effet, lorsqu’on demande une bénédiction, on exprime une demande d’aide à Dieu, un appel à pouvoir mieux vivre, une confiance en un Père qui peut nous aider à mieux vivre. (…) la même charité pastorale nous demande de ne pas traiter simplement comme « pécheurs » d’autres personnes dont la culpabilité ou la responsabilité peuvent être atténuées par divers facteurs qui influencent l’imputabilité subjective (cf. saint Jean-Paul II). »

« Les décisions qui, dans certaines circonstances, peuvent faire partie de la prudence pastorale ne doivent pas nécessairement devenir une norme (…). Tout « ce qui fait partie d’un discernement pratique face à une situation particulière ne peut être élevé au rang de norme », car cela « donnerait lieu à une casuistique insupportable » (Amoris laetitia 304). Le droit canonique ne doit pas et ne peut pas tout couvrir. »

Texte intégral des réponses sur Vatican News